ABBE PIERRE : REPONSE AUX
PHARISIENS
De jacques Noyer évêque honoraire d’Amiens. Auteur du livre « le manteau
partagé » ( Atelier)
J’ai lu
les confidences récentes de l’Abbé Pierre auprès de Frédéric Lenoir. Je les ai
reçues comme des goulées de liqueur réconfortante. La longue vie intérieure
dont il témoigne avec tant de simplicité et de vérité a dessiné pour moi un
chemin sur lequel, de mon côté, je tente d’avancer.
Les
réactions provoquées par ce livre, tant chez certains responsables de notre
église catholique que dans le courrier de plusieurs journaux, m'ont fait du
mal. Elles manifestent deux Eglises contradictoires incapables de se
comprendre. D'un côté, des hommes, travaillés au cœur par l'Esprit ; de l'autre
des Docteurs cachant leur humanité derrière la Vérité qu'ils proclament. D'un côté,
un peuple de pécheurs portant le feu de Dieu dans des vases fragiles ; de
l'autre, une institution cachant son arrière-boutique douteuse derrière la
vitrine éclairée de mille feux. On peut appeler voyeurisme le désir des
journalistes d'aller visiter les fonds du magasin. Il peut y avoir chez l'un ou
l'autre du plaisir à déboulonner la statue d'un prophète dérangeant. On peut
regretter les implications mercantiles qu'engendrent des interviews exclusives
pour tel ou tel média. On peut aussi, comme le fait l'Abbé lui-même, déplorer
qu'on ne lise que quelques pages de son livre en oubliant le bel acte de foi
trinitaire et eucharistique qui en est le centre. Mais on ne peut soupçonner
les complices de son témoignage de lui avoir extorqué des secrets. Le faire,
c'est dénaturer la fécondité d'une telle parole.
Certains
ont été choqués par la découverte qu'un saint n'est pas à l'abri des tentations
ou des faiblesses. On lui a reproché d'avoir confondu la télé et le
confessionnal. Des prêtres ont pu craindre qu'on jette le doute sur leur propre
fidélité. Cela révèle quel pharisaïsme guette notre vertu ! Sans livrer à
l'opinion des secrets d'alcôve, doit-on se cacher pour dire qu'on est pécheur ?
D'autres sont se sont scandalisés qu'une voix aussi importante dans notre
Eglise de France envisage l'appel au sacerdoce d'hommes mariés, et même de
femmes, alors que le Pape a exprimé si nettement un avis contraire. C'est dire
à quel point s'est installé une peur de penser et de dire dans certaines
sphères de notre Eglise.
L'ABBÉ Pierre a su, tout au long de sa vie, faire entendre l'Evangile en réveillant
dans les consciences endormies l'esprit des béatitudes. Tant de sermons, légitimement
soucieux d'orthodoxie, appuyés sur les dogmes, les conciles et les catéchismes
passent, inefficaces, sur les foules somnolentes.
Une fois
de plus, il donne voix et figure d'une Eglise capable de donner un sens aux
questions des hommes. Pour cela, il a parlé vrai, sans réciter un discours tout
fait. Cela fait tant de bien d'entendre Jésus aujourd'hui dans la vérité d'un
homme !
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